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Charbon, COP21, pétrole : ce qui oppose Trump et Clinton

Les Echos Le 27/09/2016

POINT DE VUE - Indépendance énergétique, développement des pipelines, subventions aux biocarburants, extraction du charbon, COP21... Quels seront les grands axes de la politique américaine en matière d’énergie à l’issue de l’élection présidentielle ?

Alors que le combat entre Hilary Clinton et Donald Trump entre dans sa phase décisive, les enjeux de la nouvelle présidence dans l'énergie se dessinent. Si la valeur de promesses électorales impose la prudence, des convergences et surtout trois lignes de faille permettent d'anticiper la politique américaine de l'énergie post-Obama selon le candidat gagnant.

 

En matière de convergence, les deux principaux candidats préserveront la révolution des hydrocarbures non ­conventionnels qui conduit l'Amérique du Nord vers l'indépendance énergétique. C'est d'ailleurs un objectif affiché de Donald Trump. La production de gaz par « fracking » sera encouragée. Si Hillary Clinton s'est tardivement opposée au  symbole de Keystone pour rallier les électeurs de Bernie Sanders, l'investissement dans les pipelines et plus généralement les infrastructures (réseau électrique) reste une priorité partagée. Les démocrates sont plus réservés sur le pêtrole (pas d'exploration off-shore massive, moins de subventions), alors que les républicains sont plus volontaristes, mais peu de divergences fondamentales. Ce consensus se retrouve de facto sur le nucléaire, préservé.

 

Côté renouvelables, la ligne de partage est inattendue. Les deux camps se rejoignent sur leur soutien aux biocarburants subventionnés. Ils soutiennent également l'énergie solaire, même si Hillary Clinton est beaucoup plus proactive, visant « un demi-milliard de panneaux solaires », alors que Donald Trump a des réserves sur la rentabilité sans subvention (« 32 années de payback »). Il est, en revanche, véhément contre l'éolien, dont les projets soutenus par l'administration actuelle auraient « tué plus de 1 million d'oiseaux par an » (discours dans le Dakota du Nord). Pour M. Trump, les éoliennes sont « un désastre environnemental et esthétique » (qui menace son golf écossais). Mme Clinton ignore largement l'éolien, ne lui trouvant des vertus que pour permettre au Wyoming de sortir du charbon.

La COP21 remise en cause ?

La première ligne de faille apparaît précisément sur le charbon. Hillary Clinton s'inscrit dans la continuité de la politique réglementaire actuelle qui pénalise l'électricité charbonnière. Elle propose d'accompagner la transition des régions minières telles que les Appalaches. Donald Trump veut au contraire supprimer ces réglementations, voire l'agence EPA qui les a ­conçus, et promouvoir l'extraction charbonnière. Assez logiquement - et c'est une deuxième ligne de faille -, le candidat républicain entend revenir sur l'accord de la COP21 signé à Paris , que la candidate démocrate soutient au titre de la lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, à la différence de certains républicains, Donald Trump a évolué pour reconnaître qu'une partie de ce réchauffement « pourrait être d'origine humaine » (1).

 

La dernière ligne de faille réside dans la dichotomie « activisme-quiétisme » qui, selon Stanley Hoffman, caractérise traditionnellement les deux visions géopolitiques américaines (2). Ancienne secrétaire d'Etat, Hillary Clinton propose un « activisme » aboutissant à un « american climate compact » unissant Etats-Unis, Mexique et Canada. A ­contrario, Donald Trump ne mentionne pas le Mexique et toise le Canada (« Nous n'avons même pas besoin du pétrole canadien si nous nous débrouillons bien ») (3). Il s'oppose à Nopec (l'Opep) et à tout accord favorisant le pétrole iranien. Ce « quiétisme » présagerait une promotion active de la production américaine, y compris fossile, si besoin soutenue par des subventions et des barrières tarifaires. Il annoncerait également un désengagement du Proche-Orient (Donald Trump était opposé à la guerre en Irak, à la différence de nombre de républicains).

La campagne n'est pas terminée et peut infléchir ces tendances. Au-delà de la présidence, la bataille de l'énergie se livrera aussi au Congrès. La capacité du nouvel élu(e) à y disposer d'une majorité constitue une inconnue décisive.

Denis Florin est fondateur de Lavoisier Conseil, Les Echos

(1) Interview à CNN. (2) Stanley Hoffman, « Gulliver empêtré », Seuil (1971). (3) Interview avec Greta Van Sustern sur FOX News en janvier 2012.