"Car rien ne se crée (…) il n'y a que des changements." Lavoisier 1789

Petrole 2 avril 2020

Pétrole : « Même en mauvais termes, Moscou et Riyad ont un intérêt commun », selon Denis Florin

En provoquant une guerre des prix sans précédent sur le marché du pétrole, l'Arabie saoudite et la Russie vont probablement parvenir à faire baisser la production au Canada, en mer du Nord et au Venezuela. Le pétrole de schiste américain souffrira à court terme mais il reprendra de la vigueur dès que les cours remonteront, estime Denis Florin.

Par Vincent Collen

Publié le 2 avr. 2020 à 18h09Mis à jour le 2 avr. 2020 à 18h10

Pourquoi l'Arabie et la Russie font-elles baisser les prix du pétrole alors qu'elles sont les premières à en souffrir ?

D'abord, les deux pays n'avaient pas anticipé l'impact récessif qu'aurait le coronavirus, ils ne pensaient pas que la demande chuterait de façon aussi massive et brutale. Ensuite, ils ont voulu profiter de la situation pour prendre le contrôle du marché. Ils parient sur l'élimination des producteurs aux coûts les plus élevés comme le Venezuela, les puits les plus anciens de la mer du Nord ou les sables bitumineux du Canada. Et aussi sur l'annulation de grands projets que les compagnies internationales retarderont ou annuleront face à la chute des cours. La Russie et l'Arabie sont en mauvais termes actuellement mais il s'agit là d'une alliance objective car leurs intérêts sont communs.

Mais leur véritable ennemi, n'est-ce pas le schiste aux Etats-Unis ?

Il n'est pas du tout prouvé que la production américaine de pétrole sera la principale victime de la guerre des prix. A court terme, oui, il y aura des faillites aux Etats-Unis, beaucoup de petites compagnies vont disparaître ou au moins réduire leur production. Mais les majors, comme Exxon ou Chevron, en profiteront pour se renforcer. Et dès que les prix remonteront, la production de pétrole de schiste pourra rapidement repartir à la hausse, grâce au faible temps de cycle du pétrole non-conventionnel et à la solidité de l'écosystème américain. Politiquement, Moscou, qui affichait de viser les Etats-Unis, aura alors partiellement manqué sa cible. Mais si la production recule au Venezuela, en mer du Nord, au Canada ou au Brésil, le marché sera en partie rééquilibré et l'objectif économique du Kremlin -et de Riyad - sera au moins partiellement atteint à mesure que la demande repartira.

Donald Trump pourrait-il décider de préserver la production américaine, sur le modèle des pays de l'Opep ou de la Russie ?

Trump sait qu'il doit faire quelque chose pour aider l'industrie pétrolière du Texas, un Etat clef pour les élections de novembre. Il n'a pas le pouvoir de décréter un niveau de production pour le pays mais il peut bannir certaines importations de pétrole ou les taxer pour protéger la production nationale. C'est une menace qu'il peut brandir pour inciter l'Arabie saoudite à atténuer la guerre des prix.

Petrole 2 avril 2020